Passée cette limite, tout est très sombre et très froid. Telles sont les abysses, où jamais ne perce la lumière du Soleil… Mais de quelle limite parle-t-on au juste ? A partir de 200 mètres de profondeur, plutôt 1000 mètres plaident certains experts. La frontière est floue, qui ouvre les portes sur une terra incognita aquatique. Elle concerne les trois quarts des océans, dont la profondeur moyenne est de 3800 mètres (coïncidence, c’est précisément là que gît, au large du Canada, l’épave du Titanic).
Mais les plaines abyssales peuvent atteindre 6000 voire 7000 mètres de profondeur. Et puis il y a les fosses océaniques, vertigineux puits vers les entrailles de la Terre, dont le plus profond, la fosse des Mariannes, fait 11 km. Excusez du peu : on y caserait en entier l’Everest - plus haute montagne terrestre - sans que sa pointe n’émerge à la surface ! Des abysses, l’image a longtemps été celle d’un univers impassible, inerte. Rien n’est plus faux, le fond de l’océan regorge de vie, on le sait désormais. Notre quart de siècle est aussi comme un point de bascule pour ce monde qu’on croyait intemporel. Car l’humanité prétend désormais investir les abysses.
Déjà, nous y avons installé les câbles de fibre optique où passe 98% du web. Et désormais, certains pays et entreprises prétendent exploiter des mines dans le fond océanique pour en extraire les métaux nécessaires aux énergies de transition. Au risque de déséquilibrer cet écosystème - inviolé depuis que le monde est monde - et par là-même l’entièreté de la machinerie climatique mondiale… Le sort des abysses se joue au 21e siècle, cela valait bien qu’une nouvelle édition de Grand Océan leur soit consacré.
Olivier Lascar, rédacteur en chef du numérique
Sciences et Avenir.